La Fabrique des Possibles

Dans le cadre actuel de crise de la biodiversité, de dérèglement climatique, et d’intensification des catastrophes naturelles, les impacts sur les populations prennent une place de plus en plus centrale dans notre société. 

De nombreuses actions et politiques publiques sont mises en œuvre pour faire face à ces risques environnementaux. Cependant certaines ne prennent pas encore en compte l’impact social de leurs retombées. 

Face à cette réalité, la corrélation entre justice sociale et environnementale prend de l’ampleur. Mais quelle réalité derrière ces mots ?

Inégalités sociales, inégalités environnementales

Le concept de justice environnementale, né aux États-Unis dans les années 1970, commence à prendre un peu plus de place dans les discussions en France. Cela commence par admettre que des groupes sociaux, en fonction de leurs origines raciales ou ethniques, ou encore de leur statut social, font face à des inégalités environnementales [1]. Celles-ci sont multiples : une plus forte vulnérabilité au changement climatique car moins de moyens pour s’y adapter, peu d’accès à la nature, une plus grande exposition à des sites pollués, et d’autres encore. Ces inégalités sont liées aux inégalités sociales déjà présentes : en prenant l’exemple des quartiers prioritaires, ceux-ci sont le plus souvent des îlots de chaleurs urbains avec des passoires énergétiques servant de bâtiments, et le plus souvent une pollution de l’air accentuée due à la proximité de sites industriels ou de bretelles autoroutières [2].

Les inégalités environnementales sont aussi liées à des politiques publiques qui ne se construisent pas avec un regard intersectionnel, qui ne prennent pas en compte les problématiques environnementales et sociales. Si l’on prend l’exemple des Zones à Faible Émission (ZFE), ou encore certaines collectivités qui font payer la gestion des ordures ménagères supplémentaires [3], ces politiques abordent uniquement le spectre environnemental, sans prendre en compte les retombées sociales sur certaines populations. Malgré les aides fournies, devoir changer de voiture reste une charge financière trop importante pour des personnes en situation précaire [4].

Ce que l’on nomme inégalités environnementales englobent non seulement une vulnérabilité aux changements climatiques et aux pollutions, mais aussi une implication inégale dans les leviers de changement [5]. 

Recentrer le discours sur les personnes impliquées

Pourtant, cette implication inégale n’est pas signe d’inaction. D’une part, les populations de quartiers populaires ont souvent des modes de vie qui ont une très faible empreinte sur l’environnement. Ces actions de sobriété, telles que l’économie d’eau, la réparation d’objets ou de vêtements, le partage, sont tant ancrées dans les pratiques culturelles qu’induites par des restrictions financières [6]. De plus, les initiatives mises en place par des associations telles que Banlieues Climat ou Ghett’Up permettent justement de sensibiliser, donner une voix aux jeunes de quartiers prioritaires, et l’amplifier [7]. Il est plus que jamais nécessaire de remettre au centre de nos délibérations et décisions politiques les personnes concernées par ces changements. Ces associations le font, en formant et en préparant des jeunes et des femmes à participer à la conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice ou encore la trentième COP au Brésil [8] . Si l’on veut changer nos manières d’aborder l’écologie, cela devra, selon moi, passer par un changement systémique et amplifier les voix des personnes les plus concernées, qui ne sont peu ou pas impliquées dans les prises de décisions.

En premier lieu, il est donc nécessaire de prendre en compte ces inégalités environnementales, corrélées à une injustice sociale, sous toutes leurs formes (vulnérabilité aux pollutions et changements climatiques, accès inégal aux moyens d’adaptation et de santé, accès inégal aux prises de décisions). Il faudrait alors, non seulement les prendre en compte mais aussi lutter pour une meilleure écoute des personnes concernées par ces inégalités et prioriser des décisions prises en collaboration avec elles. Cette vision implique aussi d’avoir une perspective intersectionnelle et systémique de ces sujets. Une transition écologique ne se fera pas sans transition sociale, cela commence par observer les inégalités présentes et essayer de transformer les dynamiques de pouvoir en jeu afin d’assurer un monde juste et durable pour tous.tes. 

Kate Raworth explique bien l’équilibre entre limites planétaires et plancher social dans sa théorie du donut, que nous avions abordé dans l’article précédent. La justice sociale rentre notamment dans cette théorie. 

Sources : 

[1]   Charles et al. (2007), Les multiples facettes des inégalités écologiques, Développement Durable & Territoires

[2]  Ghett’Up (2024), (In)justice climatique.

[3]  Deldrève, A. (2020), La fabrique des inégalités environnementales en France, Approches sociologiques qualitatives. Revue de l’OFCE.

[4] Reporterre (2023), Les ZFE, une bombe sociale dans les quartiers populaires

[5] Libération (2024), Les quartiers populaires ne sont pas des déserts écologiques

[6] Ghett’Up (2024), (In)justice climatique

[7] Banlieues Climat, Notre Constat

[8]  Socialter (2025), Contre les inégalités environnementales, les quartiers populaires s’organisent et se forment

Rédactrice : Solène Bladou