Les conventions citoyennes, des formidables machines à transformer les individus

Un focus sur la Convention Etudiante de l’Alimentation Durable 

Des formats toujours plus participatifs, pour arriver à faire émerger des solutions venant des citoyens pour répondre à des problématiques politiques : c’est souvent l’enjeu des Conventions Citoyennes. Mais si participer à l’une d’entre elles était aussi transformateur pour le participant que la finalité espérée de l’exercice ? Quels changements observés ? Quels facteurs de réussite pour accompagner aux changements de comportement ?

Ils s’en organise de plus en plus à l’échelle internationale. Nationalement plébiscités et localement favorisés, ces instances consultatives, réflexives et/ou coercitives voient leur nombre augmenter au fur et à mesure de l’émergence de sujets toujours plus complexes à traiter. Dans une ambition d’écoute et de création de réponses adaptées, ces formats ont le plus souvent pour ambition de lier les décideurs aux attentes de leurs citoyens. 

En 2023, au travers de ses études et son immersion, Lucien Bonhomme a pu documenter la création et le développement de l’une d’entre elles. La Convention Etudiante de l’Alimentation Durable (CEAD), celle-ci initiée par un acteur du monde étudiant écolo, le RESES (Réseau Étudiant pour une Société Écologique et Solidaire). Dans cet article, vous retrouvez quelques-unes de mes conclusions et recommandations, en se basant sur mes observations qualitatives et quantitatives sur un an et la comparaison avec d’autres conventions initiées par le passé.

L’ÉCLOSION DES CONVENTIONS PARTICIPATIVES

Depuis le début du siècle, l’intention est favorable à une participation citoyenne plus ouverte. Ainsi, des Conventions Citoyennes remarquables ont pu éclore (Courant, D., 2020).

Celle au Canada avec l’Assemblée citoyenne de Colombie-Britannique, en 2004. Cette convention outre-Atlantique a été souhaitée et organisée par le gouvernement provincial. Des sujets très divers ont été traités comme : la réforme électorale, les systèmes de vote, la réforme du financement politique et les relations entre le gouvernement et les peuples autochtones.

L’Irlande, souvent identifiée comme un laboratoire exceptionnel pour la démocratie délibérative, a lancé depuis 2011 trois assemblées  : 

• Une première entre 2010 et 2011 a abouti à un rapport plaidant pour la convocation d’une assemblée citoyenne, tirée au sort, pour réformer le système politique.
• La deuxième a pu réviser 3 articles de la Constitution entre 2012 et 2018.
• Et la troisième pour traiter cinq enjeux, dont la légalisation de l’avortement, puis viennent l’enjeu du vieillissement de la population, le réchauffement climatique, les référendums et la réforme du Parlement entre 2016 et 2018

Plus récemment, c’est au tour de la France de se prêter à l’exercice avec la Convention Citoyenne pour le Climat. L’objectif affiché par le Conseil Économique Social et Environnemental est clair : “définir des mesures structurantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030”. Deux ans après, ce sont seulement 15 propositions sur les 149 construites par la Convention qui seront transcrites en loi et décret sans modification.

Mais alors que se passe-t-il lorsqu’on participe à ce genre de Convention. Les données qui vont suivre sont extraites d’observations documentées issues de la CEAD. Certaines sont quantitatives, elles ont été récoltées 1 mois après l’arrivée des membres, leurs premiers jours dans la Convention, à mi-parcours et en fin de session de travail. Enfin, un échantillon mixte et représentatif des membres, 6 personnes, ont permis de fournir des données qualitatives sur leur participation et changement pendant la CEAD.

COMPORTEMENT INITIAL 

Avant même de début l’exercice de la convention les 40 membres ont pu répondre à un questionnaire d’entrée. Les données récoltées sont les suivantes : 

• 25%, ont des comportements alimentaires individuels qui restent « classiques », avec une consommation de viande « classique », 
• 94% de ses membres se disent prêts à continuer leurs efforts « pour rendre plus durable leur alimentation ».

COMPORTEMENT OBSERVÉ

Leur engagement sur les sujets à traiter s’est notamment illustré par leur présence assidue et une participation active, que ce soit lors des sessions, des formations ou des discussions collectives. Les membres ont fait preuve d’un engagement et d’esprit de groupe, pour garder leur motivation et avancer collectivement, dans le projet de la CEAD.

Pendant toute la durée de la Convention, une majorité d’entre eux se sont questionnés sur leurs aspirations, leurs futurs métiers et leurs comportements du quotidien.

Ils ont aussi appris à écouter, débattre et s’entraider, pour fournir un travail de qualité.

CHANGEMENT OBSERVÉ

A la fin des sessions de travail en juin 2023, après 6 mois de travail, 3 week-ends, 10 formations en ligne, et des groupes de travail, le premier changement significatif a pu être observé sur leur alimentation.

Les habitudes alimentaires des membres à la CEAD avaient évolué puisqu’à la fin des 6 mois de Convention 47% des membres ont déclaré avoir « un régime végétarien » alors qu’ils n’étaient que 19% en janvier. En parallèle, on observe une baisse des régimes alimentaires « classiques » passant de 25% en janvier à seulement 4% en juin.

D’un point de vue engagement personnel, il a pu être observé des changements significatifs. A la question « As-tu prévu que ton futur métier soit en lien avec les enjeux environnementaux ? », en juin, les membres ont répondu à 60% « oui fortement en lien » contre seulement 27% en janvier. 

A tel point qu’une personne a entamé une réorientation de sa carrière vers le domaine du soin et de l’humain, et cela au cours de la CEAD.

Des enseignements sur la méthodologie des Conventions ont aussi imprégné les membres. Certains ont partagé leur « confiance en la capacité humaine à se réunir » et « à prendre des décisions de manière bienveillante ». Ces constats s’expliquent par l’expérience vécue qui a été considérée comme innovante. Les membres ont été « émerveillés » par « l’intelligence collective » et la « bienveillance du groupe ».

COMPÉTENCES ACQUISES

Par la conduite de débat participatif, les membres ont également acquis des compétences relationnelles et des compétences de communication, qui favorisent une meilleure compréhension mutuelle et gestion des débats. 

De plus, 87% des membres considèrent que leur « capacité à s’informer a augmenté ». Ainsi, cela produit une sensibilisation accrue aux enjeux environnementaux pour la réalisation d’actions concrètes dans leur quotidien. A l’unanimité, les membres reconnaissent « avoir été formés au sujet de l’alimentation durable, au travers leur participation à la CEAD » pour 61% « en accord » avec et 35% « très en accord » avec cette affirmation.

Enfin, la participation à la Convention a révélé des apprentissages en termes d’influence positive, pour qu’à leur tour les membres deviennent des ambassadeurs des sujets traités.

LES CLÉS DU SUCCES

Il y a des facteurs de réussite clairs et des facteurs d’échecs : (Autissier, D., & Moutot, J. M. , 2003)

• Une communication claire et transparente, l’accès à des ressources et experts est bien évidemment nécessaires,
• Une participation citoyenne authentique, la représentativité des membres est un élément central,
• Une gouvernance efficace, réalisée par un comité pluraliste pour veiller et accompagner la bonne tenue des Conventions,
• Des propositions justifiées aux restes des citoyens par des communications informatives sur la création de celles-ci,
• Un soutien politique fort.

Sources : 

Donnée issu de l’observation de la CEAD du RESES et de recherches menées pour le mémoire de Lucien Bonhomme https://acrobat.adobe.com/id/urn:aaid:sc:eu:e2e9d4c6-c4c9-49e9-bc8d-93bb31ca1d4e

Autissier, D., & Moutot, J. M. (2003). Pratiques de la conduite du changement: Comment passer du discours à l’action. Dunod.

Courant, D. (2020). Des mini-publics délibératifs pour sauver le climat : Analyses empiriques de l’Assemblée citoyenne irlandaise et de la Convention citoyenne française.

British Columbia Citizens’ Assembly on Electoral Reform – Participedia. (2004, 12 janvier).

Rédacteur : Lucien Bonhomme